mercredi 29 juillet 2020

Objet et téléphone portable

PBK : Nous sommes entourés d’objets de toute taille, de toute valeur, de toute origine. Qu’ils aient été fabriqués artisanalement ou industriellement, leur évidence, leur apparente nécessité et leur prolifération nous amène a nous interroger : quel rapport entretenons-nous avec les objets ?

1ere idée : matérialité de l’objet et mode de production.

Solide, maniable pourvu de caractère propre. Les objets sont notre création, ils sont le résultat d’une réflexion qui a pu mener au prototype puis a la série. Ils sont le fruit d’un travail qui a engagé un choix de forme, un mode d’usinage. Un système de commercialisation donnant à la matière première une valeur ajoutée. L’industrie produit et rend accessible  un nombre considérable d’objets. Emblème de la société de consommation, il pose des problèmes de stockage, de recyclage (que faire des objets inutiles, désuets,  des objets cassés).

Le développement numérique nous libère-t-il de cette invasion ? Jeux, livres, disques tendent à se dématérialiser. Mais se phénomène nouveaux nous affranchit-il de l’objet ou accroit-il au contraire notre besoin de posséder des objets concrets ?

Notre besoin de posséder des objets concrets que nous prenons plaisir à voir, toucher, sentir.

2eme idée : Fonction des objets 

La majorité des objets qui nous entourent ont une fonction, une destination précise clairement identifiée.  Utiles, ils étendent le pouvoir de l’homme et facilitent la vie quotidienne. Fruits des innovations technologiques, ils alimentent aussi le mythe du progrès constant de l’humanité. Cependant, les objets ne semblent pas toujours répondre à besoin prédéfinit. S’agit-il pour autant seulement de gadgets superflus auxquels nous sommes attachés sous l’influence de stratégies commerciales.

Ne constatons-nous pas que l’objet créer son usage au fur et a mesure que les utilisateurs inventent a postériori des fonctions qui le rendent indispensable. (EX : GPS, téléphone…) Comme c’est parfois le cas dans le domaine des nouvelles technologies.

Les objets peuvent aussi être détournés de leur destination initiale (matériels t utilisateurs) par tout un chacun comme pour les artistes, les dimensions esthétiques ou ludiques occupent alors la finalité première de l’objet.

A quelle fonction les objets sont-ils assignables ?

La valeur d’u objet ne peut se réduire à sa fonction ou au besoin qu’il satisfait. D’autres facteurs interviennent : ergonomie, design, prestige lié à la qualité des matériaux, à la marque, à la mode, à la dimension esthétique.

Cette valeur n’est pas toujours mesurable, elle tient aussi au regard que les individus (en collectif ou personnel) portent sur un objet, en raison d’un attachement sentimental ou d’une relation particulière (objets sacrés, patrimoniaux, objets cultes d’une génération…)

Une telle valeur fait donc de l’objet bien plus qu’une simple chose inanimée posé devant un sujet.
Comment l’appréhender ? Dans quel cas pourrait-on parler de fétichisme ou de liens irrationnels engendrés de nos désirs et nos frustrations accumulées tout au long d’une vie ; collectionner avec passion, entasser avec indifférence. Que disent les objets de ceux qui les possèdent ? De quoi sont-ils le signe ? Et aussi, que dit leur absence ? Est-elle signe de pauvreté, de dépouillement ou de liberté, de vieillesse ?

« Le souci de paraitre et des apparences imprègnent notre société occidentale contemporaine .il suffit par exemple de longer les rayons des marchands de journaux pour constater combien la presse s’est emparée de la question magazines de mode, d’esthétique, de body building, de décoration. Les pages de couverture, désormais saisonnière de la presse d’actualité, font désormais la promotion de nos modes de paraitre » Isabelle Paresys

Ces propos informent d’emblée sur la manière dont tout objet, au-delà de sa fonction précise clairement identifiable s’inscrit dans un système de signe imprégnés de sociale. En se sens, en anticipant à la recherche d’une identité, l’objet dessine le moi sociale. Choisir un vêtement, changer de look, introduisent une mise en scène de l’intimité, une représentation de soi.

Les mondains, les punks, ou les rappeurs se reconnaissent entre eux pas le port de l’habit, par une certaine apparence vestimentaire : à travers cette mise en scène de notre corps, nous donnons à lire un style, un personnage, une représentation de nous même. C’est ainsi que Roland Barthes (Le Système Du Vêtement -1967) c’est intéressé à la sémantique du vêtement. De fait, si les vêtements sont des indicateurs de l’origine sociale et du statut économique, ils sont conséquemment producteurs de simulacres. La première page du roman de Maupassant « Bel-Ami » est à se titre célèbre par tout un jeu subtile de mise en scène de soi et de séduction qui brouillent les repères identificateurs, le héro cherche à « porter beau », à paraitre plus qu’il n’est. Nous découvrons ainsi une société où tout est fait pour se montrer au regard de l’autre.

Les téléphones mobiles : objets du paraitre.

Plus près de nous, particulièrement dans un contexte de crise des identités, les objets communiquant sont au cœur de la compréhension des mutations sociales actuelles et des nouvelles pratiques de mise en spectacle de notre société : c’est ainsi que le téléphone portale à non seulement modifié les interactions entre les individus, les groupes et leurs pratiques de communication mais entrainer conséquemment une réflexion originale sur l’identité individuelle et l’étude de la notion de soi. De fait, le mobile ne met pas seulement en jeu une conduite conversationnelle ou des formes d’interaction et d’être ensemble de par sa composante émotionnelle forte, il participe à une sorte d’investissement affectif du sujet. Il est devenu l’indice d’une appartenance symbolique à de nouvelles valeurs et à de nouveaux modes d’autoreprésentation de soi qu’il est intéressant d’étudier.

L’écrivain Umberto Eco stigmatise se désir de paraitre qui gagne parfois les possesseurs d’un objet communiquant pour sursignifier narcissiquement leur présence au monde : prestige, représentation de soi et mise en scène de soi pour devenir vraiment soi aux yeux des autres sont en effet au centre de cette extériorisation ostensible des pratiques de communication ou le processus fait plus que le message lui-même. Ainsi, la dimension figurative participe d’une relation dramatisée à l’objet en fonction de l’expérience de la personne et en fonction de ses groupes d’appartenance comme nous le voyons. Ce que le téléphone portable donne à voir à travers un vecteur concret c’est la manière dont il a bouleversé notre rapport à nous même et à autrui à la fois rapport d’identification et de différenciation.

Comme marqueur central d’un territoire qui fonctionne par projection de la sphère personnelle (notre personne au centre de l’attention des autres, et dont notre voix et notre gestuelle constitue les limites approximatives), le téléphone portable est donc un outil de mise en scène de soi, un accessoire de notre présence, un objet transitoire (que l‘on cherche à remettre inlassablement au gout du jour en changeant de mobile)posé comme affirmation de soi et de nos valeurs : se montrer, avoir une nouvelle apparence, devenir enfin soi dans un monde où notre rapport au monde est profondément remis en question par la massification et l’anonymat croissant.

Une anecdote de chercheurs en communication : « Le spectacle connu de tous de personnes seules aux terrasses de cafés est de se point de vue particulièrement instructif. Dans un café du quartier Latin, un quartier chic et jeune de Paris, un jour de semaine du mois de juin, des hommes mais surtout des femmes, souvent seuls sont comme en situation d’attente (de quelqu’un, de la commande…). La situation est ordonnée selon deux temps : avant la commande et pendant la consommation, l’usage du téléphone est à la fois suspendu à ce rythme et donne un contenu à cet espace-temps singulier. Une femme s’assoit et procède à une sorte de rituel d’installation à table : elle enlève sa veste, sort ses clés de ses poche pour les poser sur la table puis ouvre son sac à main et en sort ses accessoires. En premier lieu, le téléphone puis son paquet de cigarettes. Elle ne téléphone pas et ne reçoit pas d’appels mais elle manipule son mobile. Cela constitue même l’essentiel de ses gestes. Elle le regarde, actionne des touches, le repose, le reprend. Le serveur arrive et passe la commande, le téléphone est alors semble-t-il momentanément oublié. Aussitôt la commande passée, l’essentiel des gestes concerne à nouveaux e mobile qui redevient l’objet de nombreuses manipulations. La commande arrive, et un rythme s’instaure entre l’action de boire l’action de regarder alentour, et l’action de toucher son téléphone. En un sens, face à notre solitude, subit et négative, le smartphone entraine l’humanisation de la machine : il devient un autre soi-même, l’avatar, la prothèse de notre moi défaillant puisque nous y projetons une trace passagère et mouvante de nous même. Si l’objet incarnait autrefois l’identité intangible (ne peut pas bouger, ne change pas) de la personne a contrario l’objet communiquant forcément éphémère et relatif devient un autre soi-même dans un monde conforme à l’affirmation de Baudelaire : « La modernité c’est le transitoire, le fugitif, le contingent. 

On peut aussi lire Montanari (Federico de son prénom) : à travers l’exemple du téléphone portale, l’auteur montre combien les objets communiquant en tant qu’objets neo-magiques investis de pouvoirs vont entrainer de nouvelles dynamiques sociales et symboliques. Comme artéfact technologique, le téléphone portable alimente ainsi notre désir de manipulation du réel, notre ambition de jouer à Dieu.




Autre réflexion : Objet rassurant, euphorisants, narcissiques, le smartphone serait-il devenu la peluche des adultes

De fait, à l’instar de la mère ou du doudou dans la prime enfance, le portable pourrait être considéré comme l’objet transitionnel des grands. Inventé par Donald Winnicott (pédiatre et psychanalyste),  le concept d’objet transitionnel s’applique à un objet auquel l’enfant s’attache particulièrement comme un petit ours, une poupée de chiffon, un morceau de tissu. Cet objet est emporté dans tous les déplacements, il aune fonction de sécurisation, de facilité pour l’endormissement, quand l’enfant ne retrouve pas cet objet électif, il est perdu, inconsolable.

1ère idée : objet transitionnel, objet obsessionnel

A ce titre, le téléphone portable, parce qu’il est souvent investi d’un lien affectif très fort, n’est pas sans rappeler cette fonction d’objet transitionnel. Florence Odin et Christian Thuderoz écrivent : «  Le portable permettent à la fois de réaliser le rêve d’ubiquité (don d’être à plusieurs endroits en même temps),  de s’affranchir des frontières géographiques et d’être affectivement porche d’un tiers distant. Quant aux fonctions ludiques, elles permettent à l’individu de l’occuper, de le distraire, l’amuser lorsqu’il est seul. Comme un doudou régressif ou un cordon ombilical qui permet d’échapper à la peur de la solitude. Tu as la radio, la télé, le lecteur MP3 et les jeux intégrés ; snapchat, twitter, insta, facebook… C’est comme un coffre à jouet pour ne plus jamais être seul ; c’est magique comme la poupée qui parlait qu’on avait dans note enfance.

Dernière idée : le monde dans la main.

Mais si le smartphone est un médiateur avec le monde extérieur, il amène également, comme beaucoup d’objets numériques à le rapetisser et ainsi à s’en protéger en le condensant fantasmatiquement aux dimensions d’un écran qu’on tient dans la main.

ð  Le monde est résumé, condensé dans l’écran

Ce dérèglement des systèmes de repérage du réel entrainé par les objets connectés ne risque-t-il pas d’entrainer une perte dans le lien à soi-même et aux autres. Métaphore d’un cordon ombilicale rassurant, substitue de l’omnipotence maternelle archaïque

ð  Ce qui replace la toute puissance de sa mère.

Le smartphone constituerait ainsi un refuge qui, paradoxalement nous isole d’autant plus du monde qu’il nous en rapproche illusoirement.


ð  Plus on passe de temps sur le smartphone plus on croit être en contact avec le monde mais faux 

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